vendredi 10 mai 2013

Guillaume Sarkozy : "L'accord sur l'emploi débouche sur un progrès social"


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Alors que l'accord national interprofessionnel (ANI) sur l'emploi, conclu le 11 janvier, fait l'objet d'un projet de loi examiné ce mercredi 6 mars en Conseil des ministres, Guillaume Sarkozy, délégué général de Malakoff Médéric, commente plus particulièrement à une disposition du texte étendant la complémentaire santé à tous les salariés. Il table sur une saine concurrence entre groupes d'assurance et institutions de prévoyance.


LA TRIBUNE - Que pensez-vous de l'accord national interprofessionnel (ANI) sur la réforme du marché du travail, conclu le 11 janvier?
GUILLAUME SARKOZY - 
Je n'en pense que du bien. D'abord, il a été signé par les partenaires sociaux et c'est toujours bien quand patronat et syndicats parviennent à un accord. C'est un mode de fonctionnement qui me plaît. Ensuite, je trouve formidable que la complémentaire santé puisse être proposée à tous les salariés et que le risque puisse être mutualisé au niveau de la branche. Enfin, c'est une bonne chose pour les chômeurs qui vont pouvoir continuer à bénéficier des garanties de leur complémentaire santé durant un an.
Le projet de loi qui reprend l'ANI laisse le choix aux branches de choisir l'opérateur de leur couverture santé. Il y aura donc soit une mise en concurrence, soit une désignation...
Les deux systèmes ont leurs avantages. Au sein du groupe Malakoff Médéric, nous avons nous-mêmes plusieurs modèles, avec une société d'assurance dédiée au courtage, Quatrem, et une institution de prévoyance qui s'adresse aux entreprises et aux branches en direct. S'agissant de la désignation, qui passera par un appel d'offres selon une procédure encadrée, son avantage réside dans le coût : la mise en place de la couverture santé coûtera moins cher. Quel que soit le mode choisi par les partenaires sociaux, désignation ou recommandation, ce qui compte c'est que la branche s'organise bien pour mettre en œuvre la solidarité et gérer la mutualisation du risque en cas d'impayé ou de fermeture de telle ou telle entreprise de la branche.
Certains assureurs souhaitent que la concurrence soit totale pour éviter que les institutions de prévoyance, gérées paritairement, ne soient avantagées. Ils craignent aussi la résiliation des contrats individuels, les salariés ayant l'obligation d'adhérer à un contrat de groupe...
Il est probable que le nombre de contrats individuels baissera. Actuellement, 92% des Français sont couverts, d'une façon ou d'une autre, par une complémentaire santé, et sur 18 millions environ de salariés, 3 à 4 millions ne disposent pas d'un contrat collectif. Ce sont ces salariés qui bénéficieront de l'ANI. Mais que vont faire les sociétés d'assurance dont vous parlez? Elles vont réagir en proposant davantage de contrats collectifs. Et vu leur puissance, elles seront très concurrentielles. Et cette concurrence sera saine, j'en suis certain. Les institutions de prévoyance ne vont donc pas systématiquement s'imposer. Cela dit, chez Malakoff Médéric nous sommes armés pour faire face car nous avons un savoir-faire historique dans les contrats collectifs. Nous couvrons déjà 3,5 millions de salariés en collectif et près de 600 personnes sont dédiées au développement dans notre groupe. Il est sûr que les cartes vont être totalement redistribuées.
L'obligation de couverture santé va-t-elle représenter un coût supplémentaire pour les petites entreprises?
Pour les entreprises, posséder une complémentaire santé peut devenir un avantage social. Malakoff Médéric, qui propose déjà des offres tenant compte des spécificités de nombreux secteurs d'activité, a développé le concept d'« entreprise, territoire de santé ». Grâce à des actions de prévention et de dépistage, nous contribuons à améliorer la santé des salariés et, ainsi, la performance des entreprises.
En définitive, l'ANI ne prévoit pas de contrat de complémentaire santé minimum pour les chômeurs. Est-ce un manque?
Pour les salariés licenciés inscrits à Pôle emploi qui bénéficiaient d'un contrat de groupe, la portabilité de leur couverture santé est portée de neuf à douze mois. De plus, cette couverture, identique à celle qu'ils avaient dans l'entreprise, sera gratuite désormais pour eux, alors qu'ils doivent actuellement en financer une partie. C'est un progrès.
Dans quelles branches votre groupe aurait-il un avantage comparatif ?
Historiquement, l'activité de notre groupe portait surtout sur l'industrie et les services financiers. Aujourd'hui, Malako Médéric est un acteur tout à fait polyvalent : parmi nos 182000 entreprises clientes, la majorité sont des PME, et nous couvrons déjà 24 branches en santé et/ou prévoyance.
Certaines branches, dont les métiers seraient trop risqués, peuvent-elles être délaissées car jugées peu rentables?
On ne peut pas prévoir tous les risques et on ne lit pas l'avenir. Qui aurait pu prévoir les dangers de l'amiante il y a cinquante ans? Donc, il n'y a pas de « mauvaise » branche, mais seulement une « mauvaise » tarification des risques.
Au vu des nouvelles perspectives du secteur de la complémentaire santé, les « petits acteurs » ont-ils encore leur place?
La concentration du secteur de la protection sociale ne date pas d'hier. Il y a dix ans, on dénombrait 5000 mutuelles. Elles sont 700 aujourd'hui. Les acteurs de ce secteur doivent désormais avoir une taille critique pour pouvoir répondre aux nouvelles exigences du marché, un phénomène que devrait amplifier l'ANI. Il faut avoir la solidité financière et l'envergure nécessaire pour créer des outils innovants, structurer des réseaux de soins et développer un savoir-faire en gestion du risque, comme nous le faisons depuis des années. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons nous aussi nous renforcer. Nous espérons remporter l'appel d'offres lancé par Réunica qui est actuellement à la recherche d'un partenaire solide financièrement et à gestion paritaire pour continuer à se développer en retraite complémentaire et assurance de personnes.
À travers la santé de vos entreprises clientes, quel regard portez-vous aujourd'hui sur l'économie française ?
Ce n'est évidemment pas l'euphorie. Toutefois, la situation actuelle n'est pas aussi délicate qu'en 2008-2009. Pendant cette période agitée, les entreprises, et même les grands groupes, avaient parfois réduit la voilure de façon très brutale, en moins d'une semaine. Ce n'est pas le cas aujourd'hui.


La Tribune
Propos recueillis par Fabien Piliu et Jean-Christophe Chanut | 05/03/2013, 11:03 - 897 mots

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