mercredi 28 novembre 2012

Bataille entre les mutuelles et les médecins autour des réseaux de soins

Bataille entre les mutuelles et les médecins autour des réseaux de soins

Le Monde.fr |
Les réseaux de soins permettent aux mutuelles de conventionner des professionnels de santé. 
Les réseaux de soins permettent aux mutuelles de conventionner des professionnels de santé. | AFP/MARTIN BUREAU

Faut-il favoriser, ou non, les réseaux de soins ? Mercredi 28 novembre, les députés devaient examiner une proposition de loi du groupe PS sur l'avenir de ces réseaux, qui permettent aux mutuelles de conventionner des professionnels de santé. Le texte est devenu l'objet d'une violente bataille entre celles-ci et les médecins, qui s'y opposent. Chaque camp estimant défendre l'intérêt des patients.

Pour des syndicats de médecins, dont certains demandent le retrait du texte, pour les opticiens, pour les internes qui sont particulièrement montés au créneau, c'est la liberté de choix du praticien par le patient qui est menacée. Ils jugent qu'elle sera atteinte si les mutuelles obtenaient le droit de mieux rembourser leurs adhérents qui consultent un médecin qu'elles conventionnent que ceux qui consultent hors réseau.
La ministre de la santé, Marisol Touraine, a tenu à les rassurer, en faisant voter en commission des affaires sociales la semaine dernière un amendement assurant le libre choix du professionnel consulté. Elle soutient aussi un amendement qui exclut de ces conventions les médecins généralistes et spécialistes. Seuls les remboursements des frais dentaires et optiques pourront être modulés, selon que le praticien appartiendra ou pas à un réseau. Les internes estiment cependant que la rédaction du texte n'apporte pas suffisamment de garanties, et promettent de poursuivre leur pression.
"UNE LIBERTÉ DE CHOIX DÉJÀ VIRTUELLE"
Les mutuelles, fâchées par cette limitation et la concession faite aux médecins, n'ont pas tout perdu pour autant. Elles pourront jouer sur les niveaux de remboursement et rendre ainsi leurs réseaux plus attractifs dans les deux secteurs où elles sont le plus présentes – l'assurance-maladie ne rembourse que 4 % de l'optique et 34 % des soins dentaires (18 % pour les prothèses). C'est en effet sur les prix des lunettes et des prothèses qu'elles ont le plus intérêt à peser.
Elles aussi disent se battre pour les patients, et plus précisément pour leur porte-monnaie. Avec leurs réseaux, elles estiment même pouvoir prévenir les renoncements aux soins. La MGEN explique par exemple que pour la pose d'une couronne (550 euros en moyenne), ce qui reste à la charge du patient s'élève à 300 euros hors réseau, contre 97 euros chez un praticien conventionné.
Lire les témoignages : Des dents en moins, et pas les moyens
Cette bataille au nom des patients fait sourire leurs représentants car, évidemment, en développant les réseaux de soins, les mutuelles veulent aussi maîtriser leurs dépenses. Quant aux médecins, en s'y opposant, ils cherchent à défendre leur liberté de fixer leurs honoraires en secteur 2. Au Collectif interassociatif sur la santé (CISS), on s'amuse d'ailleurs de les voir se battre pour la liberté de choix du médecin, alors que celle-ci "n'est déjà que virtuelle dans un système où les déserts médicaux se multiplient et les dépassements d'honoraires sont massifs".
Les associations ne sont en fait pas opposées aux réseaux de soins. Au contraire, puisque les pouvoirs publics peinent à réguler les pratiques tarifaires. "Dans les secteurs où les prix sont libres, le consommateur seul n'a pas les moyens de peser. Cela a donc un intérêt que les complémentaires le fassent", explique Mathieu Escot, pour UFC-Que Choisir. L'assocation réclame cependant de la transparence sur les critères d'entrée dans les réseaux.
Le CISS lui non plus ne donne pas carte blanche aux mutuelles, ni aux députés qui, avec cette proposition de loi, se sont empressés de concrétiser une promesse faite par François Hollande aux mutuelles de pouvoir développer leurs réseaux avec les mêmes prérogatives que les assureurs privés et les instituts de prévoyance. S'il y a urgence, ce collectif d'associations juge que c'est plutôt à faire réaliser une "étude d'impact" sur les réseaux existants, estimant que la preuve n'est pas encore faite qu'ils ont bien permis de faire baisser les prix.
Laetitia Clavreul